Critique : Amnesiac – Radiohead

Amnesiac
Radiohead
2001

Révélé au grand public en 1993 grâce au single Creep, Radiohead a poursuivi sa route sous les feux des projecteurs. The Bends en 1995 a prouvé au grand jour les qualités du groupe avec des intentions musicales tout à fait louable : innovant, rock, mais aussi diablement efficace. OK Computer récolte les lauriers deux ans plus tard. Un travail remarquable qui marque les esprits et prend tout le monde au dépourvu. Personne n’avait prévu une telle éclosion, une révolution semblable. Radiohead est devenu un nom, une sommité, une référence. Mais ce statut, atteint du jour au lendemain à bien du mal à être accepté par Thom Yorke. Dépression, difficulté à retourner en studio, volonté de changement. Tout ce qui caractérise le diptyque : Kid A et Amnesiac.

Virage à 180° pour le groupe qui après avoir fait vaciller le cœur des amateurs de rock, se tourne irrémédiablement vers des expérimentations bien plus électroniques. Kid A l’avait mis en avant. Amnesiac le confirme. Enregistré durant la même période, certains voient dans ce deuxième album, sortit moins d’un an après le très estimé Kid A, une sorte de face B au premier épisode. Il n’en est rien, car il présente lui aussi de véritables qualités. Le piano prend une place primordiale dans les compositions. Pyramid Song monte crescendo autour du duo de Thom Yorke et son instrument. Petit à petit, la pression grandit. On attend l’implosion, le détonateur. La batterie rentre, Jonny Greenwood joue de la guitare comme si c’était un violon. La patte Radiohead ressort. L’expérimentation marche immédiatement. Rendu célèbre par la série Peaky Blinders, You And Whose Army? Redonne une place évidente à la guitare, qui se retrouve à la fin remplacée par les notes agressives de piano. Le final est apocalyptique, la voix de Yorke déchirante comme jamais. Un sommet d’émotion et de beauté. Amnesiac propose aussi des moments plus intenses. Knives Out va vite, ne laisse pas le temps de respirer et les guitares se superposent.

Mais Amnesiac ne se contente pas de cela. L’expérimentation reste au cœur de l’œuvre. Les boîtes à rythmes nombreuses. L’introduction Packt Like Sardines In A Crushd Tin Box le rappelle à merveille. Il se lance sur cette rythmique entêtante qui se déroule jusqu’aux dernières secondes du titre. Au-dessus s’additionnent les sonorités. Elles sont déroutantes, mais trouvent une alchimie, avec ce phrasé à contre temps de Thom Yorke. La sauce monte. Elle surprend, mais reste en tête. Évidemment, lorsque l’on essaye, on s’y perd parfois. Morning Bell / Amnesiac, nouvelle version du très rapide Morning Bell présente sur Kid A est son opposé. Une chanson lente qui prend le temps de se développer. Mais elle ne fonctionne pas forcément. Son immédiateté faisait son charme, chose qui ne frappe pas autant dans cette version. Hunting Bears, interlude aux sonorités inquiétantes, n’atteint pas son but et fait effet de remplissage avant les deux pistes complémentaires que sont Like Spinning Plates et Life In A Glass House. Toutes deux s’additionnent parfaitement et donnent à cette fin d’album une ambiance tout autre. Life In A Glass House et ses saxophones laissent même entrevoir des séquences de free jazz étonnantes. Innovants, mais dérangeants pour certains. Reste l’énigme Pulk/Pull Revolving Doors, véritable pièce expérimentale : un rythme oppressant, une voix surprenante, des notes qui se placent de-ci, de-là. Une étape à franchir pour profiter du reste du disque.

Radiohead poursuit sa route. Amnesiac est une pierre de plus dans l’édifice d’une discographie singulière, déroutante, mais diablement osée. Suite logique de Kid A, il n’en reste pas moins un album différent qui tente plus, qui tâtonne et entrevoit de nouvelles choses. Il y a dans cet album des perles comme You And Whose Army?, sommet d’émotion et de classe lors du déchirement final, mais aussi Pyramid Song et ses notes de piano mythiques. Mais il n’y a pas que ça, il y a des essais, des sons qui fonctionnent (Packt Like Sardines In A Crushd Tin Box), d’autres moins (Pulk/Pull Revolving Doors, Hunting Bears). C’est le but de l’expérimentation et la marque des grands groupes qui ne restent pas figés à un endroit tout du long de leur carrière.

La note

Note : 7 sur 10.

À écouter

  • You And Whose Army?
  • Pyramid Song
  • Packt Like Sardines In A Crushd Tin Box
  • Knives Out
  • I Might Be Wrong

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